Georges-Henri PINGUSSON, architecte
(1894 - 1978)
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Georges-Henri Pingusson demeura un artiste qui fut un peu oublié depuis ses grands travaux d’après-guerre. En effet, cet architecte, né à Clermont-Ferrand en 1894 et décédé à Paris en 1978 se présentait comme une figure incontournable du Mouvement moderne.
Il nous a laissé des oeuvres aujourd’hui un peu tombées dans l’oubli, par faute d’intérêt, de filiation, ou tout simplement d’évolution formelle de l’architecture. Comme le rappelle Bernard Oudin, ce créateur eut malheureusement peu d’occasions d’exercer son talent. En effet, sa production ne se résume qu’à quelques grandes réalisations architecturales. On peut citer parmi les œuvres les plus connues et les plus représentatives de son art la Villa Romée à Cannes (1928), la centrale thermoélectrique Arrighi à Vitry sur Seine (1931), l’hôtel Latitude 43 à Saint-Tropez (1932), le célèbre Théâtre de Boulogne Billancourt, l’ambassade de France à Saarbrücken – où il conçut également le plan d’urbanisme (Allemagne), le Mémorial des Martyrs de la Déportation à Boulogne (1962), le Mémorial de la Déportation de l’Ile de la Cité à Paris (1960-1964), le Théâtre de l’Ouest Parisien (1968) ou encore la cité scolaire de Sarreguemines.

Pingusson doit surtout sa reconnaissance au département de la Moselle, où il fût nommé en 1946 architecte en chef de la reconstruction, tout juste après le conflit mondial. De ce fait, sa production lorraine témoigne pleinement de cet engagement qui s’est concrétisé dans le cadre des différents postes que lui a confiés le Ministère de la Reconstruction dans cette région après la Seconde Guerre Mondiale.
Parallèlement, il enseigna l’architecture en tant que chef d’atelier à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Ecole où il fut admis premier au Concours en 1920 et où il travailla sous la direction de Gustave Umbdenstock et Paul Tournon.
Homme de terrain et homme d’action, il fréquenta nombre de personnalités du monde des arts. Ainsi, dans les années 1930, il participa activement à l’Union des Artistes Modernes (UAM) et travaille aux côtés d’artistes comme Robert Mallet-Stevens, Tony Garnier, Le Corbusier, Auguste Perret, Marcel Lods, André Lurçat, ou encore Jean Prouvé. C’est justement avec Le Corbusier qu’il contribua à la construction de la ville nouvelle de Briey en Forêt.

Sa fonction d’architecte de la reconstruction l’amena à travailler à de nouvelles édifications de villages mais aussi et surtout d’églises. C’est dans cette optique qu’il exerça de véritables réflexions sur l’architecture religieuse. Ainsi, sa production lorraine semble relativement importante. C’est tout naturellement qu’il travailla sur les chantiers de réhabilitation du village de Waldwisse, détruit à 85% lors des bombardements de la Seconde Guerre Mondiale et sur la nouvelle église de Boust aujourd’hui reconnue comme l’aboutissement de sa réflexion sur l’architecture religieuse entamée dans les années trente.

Bien qu’ayant travaillé sur trois autres églises en Moselle – celles de Borny, Corny, et Fleury – Pingusson laissa à Boust une référence dans son œuvre. Pour l’occasion, l’architecte s’était associé à Paul Aynes, architecte d’opération, Martin-Granel, concepteur du baptistaire avec sa coupole et son vitrail, Silvano Bozzolini pour le vitrail circulaire et Jean Lambert-Rucki pour les sculptures.

L’église de Boust, inscrite à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques depuis 1994, demeure sans doute celle dont la modernité est la plus affirmée. L’édifice religieux se présente sous la forme d’un parcours que l’on découvre à mesure que l’on avance vers le chœur. Pour y accéder, il faut suivre un petit chemin reliant d’un côté le cimetière, et de l’autre le monument aux morts, le parvis de l’église et la crypte. En pénétrant dans ce lieu sacré, on est comme coupé du monde extérieur par un muret où trône une statue du Christ de Lambert-Rucki.
Lorsque les visiteurs entrent dans l’édifice religieux, ils découvrent une des rares églises à nef ronde. Celle-ci est en légère inclinaison descendante afin de pouvoir voir parfaitement l’autel, centre des cérémonies. Le tympan, réalisé par Silvano Bozzolini, est réalisé en verre d’un bleu prenant, très épais. On peut penser que cette lumière très travaillée plonge le visiteur dans une atmosphère propice au recueillement. Les ouvertures sont de forme carrée avec cadres en béton. Ainsi, l’intensité de la lumière semble diminuer à mesure que les lieux se sacralisent. Tout ce travail sur la diffusion de la lumière avait déjà été esquissé dans une mise en scène sur le thème du « Rôle social de la lumière » au Pavillon de l’Electricité et de la Lumière .
Arrivé devant l’autel, on peut y découvrir une œuvre en pierre de Bourgogne surmontée d’un crucifix en bronze suspendu au plafond, œuvres de Jean Lambert-Rucki. La crypte est également concentrique, avec des confessionnaux et une sacristie propre. Son autel est situé à l’exact aplomb de l’autel de l’église. On y trouve des vitraux de couleurs bleus et rouges intenses.

Quelques années auparavant, Georges Henri Pingusson s’associa avec François Prieur, dans la réhabilitation de l’architecture du village de Waldwisse. Comme nous l’avons évoqué plus haut, ce bourg situé à la frontière franco-allemande, dans le Canton de Sierck-les-Bains, a subi vers la fin de la Seconde guerre mondiale les bombardements alliés. Le village fut quasiment détruit. Pingusson fit élaborer de 1948 au milieu des années cinquante un nouveau plan d’aménagement de la cité. Ici l’architecte a mis en application ses théories fonctionnalistes. En effet, au centre il dressa de façon intelligente les activités collectives ainsi que les logements des ouvriers ; à l’extérieur du village, il prôna la reconstruction des fermes. Le plan du village fut organisé autour d’une place de grande taille avec pour un pan un immeuble regroupant un café dancing et des logements situés au-dessus ainsi que des commerces. En face, l’architecte élabora le plan d’habitations individuelles érigées sur deux étages. Il faut ajouter à cela le goût de Pingusson pour le style épuré. Style qui se retrouve dans l’agencement des façades et des toitures à un seul pan, donnant ainsi une impression de hauteur aux habitations.
Le village de Waldwisse inspira notamment un enfant du pays devenu sculpteur en la personne de Toun’, même s’il reconnaît que l’art et l’architecture, comme ici avec Pingusson, n’ont pas été bien expliqués aux populations.
Aujourd’hui, force est de constater, selon de nombreux témoignages oraux, que le célèbre architecte a perdu de son aura.

 

Laurent Martin SCHMIT
Master 2 « Expertise et Médiation Culturelle »
Conférencier – Consultant en Ingénierie Culturelle
Chargé de Cours à l’Université de Metz

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